L’appel à l’aide des réfugiés amazighs libyens en Tunisie 21 avril 2011

Publié le par printempsdespeuples44

 

Nous avons pu joindre M. Yousef Amrou, représentant des 15 000 réfugiés Libyens originaires du Néfoussa (Jabal al-Gharbi selon la dénomination officielle arabe de l’État libyen) ayant trouvé refuge du côté tunisien de la frontière.

Voix berbères: Pouvez-vous vous présenter ?

Yousef Amrou: Je suis originaire de la ville de Jadu, dans la région du Nefoussa. C’est une région berbère. Je suis professeur d’électronique dans l’enseignement supérieur. Depuis le 17 février, toute la région a pris les armes contre le régime de Kadhafi. Aujourd’hui, face à la violence des attaques des milices de Kadhafi, nous sommes nombreux à avoir trouvé refuge en Tunisie. Je suis en ce moment l’un des représentants des réfugiés, agréé par les autorités tunisiennes.

Quelle est la situation des réfugiés en Tunisie ?

Elle est très dure. Nous sommes aujourd’hui 15 000 réfugiés libyens répartis entre cinq camps: Dehiba, Bir Tlathin, Douiret, Ras Jdir et Tataouine. Il arrive chaque jour davantage de gens fuyant la répression. La situation est mauvaise, nous ne disposons pas de moyens suffisants pour faire face à l’afflux. Outre la nourriture et l’eau potable, nous avons besoin de services d’hygiène (toilettes notamment) et surtout de personnel et de matériel médical. Nous avons à notre charge plusieurs handicapés, des dizaines de blessés qui continuent de saigner dans nos infirmeries, des vieilles personnes éprouvées et déshydratées. Nous commençons à recenser des dizaines de cas d’infections et une vielle dame est tombée dans le coma. Nous n’avons presque rien pour nous occuper de ces gens. La vie dans les camps est tellement dure, particulièrement dans le camp frontalier de Dehiba, que plusieurs familles commencent à quitter clandestinement le camp pour tenter leur chance dans les villes du nord de la Tunisie.

Y a-t-il des organisations sur le terrain pour vous aider ?

Oui, l’État tunisien à mis certains de ses services à notre disposition, qui enregistrent les réfugiés lorsqu’ils passent la frontière, mais, très honnêtement, ils sont sous-équipés et manquent cruellement de moyens. Des organisations du Qatar et des Émirats arabes unis sont également présentes et font ce qu’elles peuvent, de même que Médecins sans frontières et International Medical Corps. Le comité international de la Croix Rouge a visité les camps pendant 3 jours et est reparti, nous n’avons plus de nouvelles d’eux. En fait, ceux qui nous aident le plus et montrent une solidarité totale avec nous sont les gens du Croissant Rouge tunisien, à qui je rend hommage. Cependant, si l’on additionne l’aide apportée par toutes ces organisations, on arrive à couvrir les besoins de 6 000 personnes. Mais nous en avons 9 000 qui restent privées de tout.

D’où viennent les réfugiés libyens en Tunisie ?

Ils viennent tous de la région berbère du Nefoussa. 5 000 viennent de Yefren, 5 000 de Qalâa et 4 000 de Nalut. Le reste vient de Kikla et de Jadu. Tout cela sur une région de 350 000 habitants.

Quelle est la situation de l’autre côté de la frontière, en Libye ?

Toute la région du Nefoussa s’est soulevée dès le 17 février contre Kadhafi. Cela fait un mois et demi que nous nous battons. La région s’est vidée de ses civils. La ville de Yefren, par exemple, ne compte plus aucun civil. Ceux qui ne sont pas dans les camps de réfugiés errent en direction soit du Nord, pour passer en Tunisie à un autre poste-frontière, soit du Sud, en direction du désert pour échapper aux milices de Kadhafi. La ville de Yefren est en proie à de violents combats, les milices kadhafistes ont pris position avec des tanks et des canons près de l’hôpital, ainsi qu’à l’Est de la ville, et ils tirent sur les maisons. A Qalâa, les troupes de Kadhafi ont pris le contrôle d’une grande réserve d’eau qui approvisionne la région et la défendent avec 13 tanks et 7 canons antiaériens. De là, ils bombardent les villages avoisinants.

Quelle est la situation des rebelles ?

L’armée du Nefoussa est composée de 10 000 volontaires et 300 officiers. Elle dispose de tanks, de DCA et d’orgues de Staline pris à l’ennemi. Aujourd’hui, notre armée a pris le contrôle de Wazzan et du poste-frontière avec la Tunisie, vers Dehba. Le drapeau de la rébellion flotte sur le poste-frontière. Une centaine de soldats libyens se sont rendus avec leurs armes à l’armée tunisienne. Cependant nous ne pouvons pas avancer vers le nord, sur Tripoli, car le terrain vers la capitale est plat et nous nous ferions bombarder.

Comment les forces de Kadhafi ont-elles repris l’avantage dans votre région ?

Kadhafi dispose de soutien extérieur. Nous avons des informateurs dans la région de Ghadamès, à la frontière avec l’Algérie, qui nous assurent que des 4×4 et des camions lourds (sur lesquels on peut monter de la DCA ou des missiles Grad) passent chaque semaine la frontière algérienne et sont réceptionnés par l’armée de Kadhafi. D’autres informations nous apprennent que Kadhafi reçoit toujours du matériel de communication high-tech, ainsi que des appareils de vision nocturne pour ses hommes, via les frontières algérienne, malienne, nigérienne et tchadienne. C’est d’ailleurs de ces pays que viennent les mercenaires que nous avons pu capturer, notamment des Sahraouis du Front Polisario qui venaient d’Algérie. Nous demandons à l’OTAN de contrôler activement les frontières entre la Libye et ces pays, afin que Kadhafi ne puisse pas poursuivre son effort de guerre et écraser la rébellion avec de nouveaux matériels militaires. Les armes des troupes kadhafistes que nous avons pu saisir viennent de différents pays, y compris l’Espagne et Israël. Il faut que l’OTAN empêche le trafic d’armes au profit de Kadhafi.

Qu’espérez-vous d’autre de la part de l’OTAN ?

Nous demandons aux pays de la coalition et particulièrement à la France et à Nicolas Sarkozy en qui nous croyons d’envoyer des émissaires chez nous. Les Berbères représentent un millions et demi de Libyens. Nous voulons négocier directement avec la coalition et surtout avec les Français. Nous sommes prêts à rencontrer les émissaires de la coalition de Benghazi, les diplomates présents en Tunisie ou tout émissaire des nations de la coalition. Il faut qu’ils comprennent que depuis l’Est, ils n’arriveront jamais à Tripoli. Or, notre région du Nefoussa s’étend de la frontière tunisienne jusqu’à 100 kilomètres au sud-ouest de Tripoli. Nous pouvons garantir aux troupes françaises ou à toutes troupes de la coalition l’appui total de l’armée des Berbères du Nefoussa. Nous garantirons leur sécurité jusqu’à ce qu’ils s’approchent de Tripoli, là ou Kadhafi garde des supporters. Je suis convaincu qu’en trouvant un accord avec le Conseil National de Transition de Benghazi portant sur un engagement au sol des troupes de la coalition appuyées par l’armée du Nefoussa, Kadhafi tombera en quelques jours. Mais il faut que M. Sarkozy se dépêche, car pendant ce temps les milices kadhafistes continuent à massacrer et notre région se vide. Il faut aussi signaler que nous ne sommes pas des extrémistes musulmans et que notre victoire peut empêcher certains groupes d’extrémistes de prosprérer à l’ombre de la révolution.

 

Publié dans Libye

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