Egypte: les manifestants ne veulent pas se faire confisquer leur révolution 26.11.11

Publié le par printempsdespeuples44

 

Un manifestant a été tué samedi matin au Caire dans des heurts entre la police égyptienne et des militants qui bloquaient l'entrée du siège du gouvernement, première victime après deux jours d'accalmie dans la capitale, a affirmé à l'AFP une source médicale

L'incident s'est produit vers 07H00 (05H00 GMT) lorsque la police anti-émeutes a attaqué à coup de grenades lacrymogènes des manifestants hostiles au pouvoir militaire qui ont campé toute la nuit devant le siège du gouvernement pour protester contre la nomination d'un nouveau Premier ministre par l'armée. Des renforts de manifestants sont arrivés de la place Tahrir et ont répliqué avec des pierres et cocktails molotov.

 

 L'incident de samedi est survenu à 48 heures des premières élections depuis la chute de Hosni Moubarak, alimentant les craintes que le scrutin soit émaillé de violences.

"Les élections? Ce n'est pas l'essentiel, ici on protège notre révolution". Les législatives qui débutent lundi laissent Abdel Hamid Slit indifférent, tandis que d'autres manifestants sur la place Tahrir sont perplexes ou furieux que le scrutin ait été maintenu. "Les gens ici ne se sentent pas très concernés par le vote, ils veulent une vie digne et la liberté", affirme cet ingénieur de 65 ans sur la place emblématique de la révolution qui a renversé Hosni Moubarak en février.
"Elections ou pas, on ne se laissera pas voler notre révolution", ajoute-t-il.

"La révolution s'est prononcée, les élections ne peuvent pas la menacer", peut-on lire sur des pancartes brandies par les militants ou encore "Des élections pour détourner l'attention".

 


Beaucoup sont catégoriques. "Moi, je ne voterai pas", clame Moustapha Shaath, chercheur trentenaire.
"Comment voulez-vous que je vote alors que ce Parlement n'aura aucune prérogative avec les militaires au pouvoir?", demande-t-il. "La situation est très chaotique, nous ne voulons pas que les élections se tiennent dans ces circonstances", poursuit Moustapha.


Le chef de l'armée, le maréchal Hussein Tantaoui -chef d'Etat de fait- s'est engagé à ce que les militaires remettent le pouvoir à un président élu avant fin juin 2012.
Mais comme ils l'ont fait pour Hosni Moubarak, les manifestants de Tahrir réclament le départ au plus vite du maréchal Tantaoui, qu'ils accusent de rééditer la politique de répression du président déchu.


"Tenir les élections maintenant, c'est comme panser une plaie avant de l'avoir désinfectée", estime Doaa Khamis, une traductrice de 38 ans. "C'est comme s'il n'y avait pas eu de révolution", souligne-t-elle, en brandissant avec sa soeur Aya, 24 ans, les pancartes anti-élections. "Nous allons rester dans le même cercle vicieux car les corrompus de l'ancien régime seront encore là même avec les élections", dit Aya.


Elle traduit le sentiment de nombreux jeunes, frustrés de voir que "leur" révolution n'ait pas encore produit une nouvelle classe de dirigeants. Et c'est surtout la présence de candidats ex-membres du Parti national démocrate (PND) de M. Moubarak qui révolte Tahrir. Certains se présentent sous la bannière d'autres partis ou en tant qu'"indépendants".
C'est aussi l'idée de voir ce scrutin se tenir sans que les responsables de la mort de 42 personnes tuées lors des affrontements entre police et manifestants n'aient été jugés qui leur est insupportable. 


"Nous avons suspendu notre campagne", affirme Salwa Haggag, du Bloc égyptien, qui représente la principale force du courant libéral et regroupe une quinzaine de partis, notamment les "Egyptiens libres" de Naguib Sawiris, un millionnaire à la tête de l'empire des télécoms Orascom. "Comment voulez-vous qu'on fasse campagne alors que le sang coule dans les rues", dit-elle, sans se prononcer sur un éventuel boycott du vote.


Samedi, un manifestant de 19 ans est mort lors de nouveaux heurts avec la police, face au siège du gouvernement où campent des dizaines de militants.


Pour d'autres, le système électoral trop complexe, la multitude des candidats et même les craintes pour la sécurité laissent perplexe. "Au fait, je ne sais pas comment voter", reconnaît Samah Abdelrahmane, accompagnée de son mari et son enfant à Tahrir. "En plus, il y aura peut-être des incidents lors du vote, on ne sait jamais".


Mais la question du boycott pose un dilemme pour les manifestants car il pourrait se traduire par une perte considérable de voix pour leur camp s'il n'est pas suivi par les autres courants politiques. "Vu la situation actuelle, il est de notre devoir moral de boycotter les élections", dit Omar Karim, musicien. "Le problème est que, à moins que tout le monde le fasse, il est politiquement impératif de voter".

 

Déjà, plus de 100.000 Égyptiens de l'étranger, privés du droit de vote sous le régime de Hosni Moubarak, ont voté dans le cadre des élections législatives qui débutent lundi sur fond de crise dans leur pays, a annoncé samedi le gouvernement sur sa page Facebook. Le vote s'est déroulé dans les ambassades et les consulats égyptiens dans le cadre des premières législatives organisées après la chute du président Hosni Moubarak en février.

Le nombre des Égyptiens vivant à l'étranger est estimé à quelque 8 millions de personnes, sur une population totale de plus de 80 millions d'habitants. La plus grande partie réside dans d'autres pays arabes.

Initialement prévu pour se dérouler sur une journée, le scrutin a été prolongé d'un jour, comme l'a décidé le pouvoir militaire au pouvoir pour l'ensemble de l’Égypte.

Quelque 40 millions d'électeurs sont appelés à voter à partir de lundi au moment où le pouvoir militaire est contesté dans la rue avec des dizaines de milliers manifestants mobilisés depuis une semaine au Caire et dans plusieurs villes.

Lundi, les élections débuteront dans neuf gouvernorats dont la capitale et Alexandrie, suivies le 14 décembre par notamment Suez (nord-est) et Assouan (sud) et le 3 janvier, par le Sinaï (nord-est) et la région du delta du Nil (nord). Les résultats des trois tours seront connus le 13 janvier.

Les récents affrontements qui ont fait 41 morts entre manifestants et police ont fait craindre que le scrutin ne soit émaillé de violences.

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige le pays depuis la chute de M. Moubarak a assuré à plusieurs reprises que le scrutin se tiendrait à la date prévue.

Selon le quotidien Akhbar al-Yom, les forces armées ont élaboré un "plan global" pour assurer la sécurité du vote.

Le général Saïd Abbas, chef adjoint du commandement militaire, cité par le quotidien, a indiqué que ce plan consiste à protéger, en coopération avec la police, les électeurs, les candidats et les membres des comités électoraux.

 

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