Maroc : La communauté berbère salue la prochaine officialisation de sa langue 25.06.11

Publié le par printempsdespeuples44

 

La reconnaissance prévue du berbère comme langue officielle du Maroc avec l'arabe a été saluée par les membres de cette communauté, mais certains d'entre eux craignent que sa mise en oeuvre soit entravée par les conservateurs et les islamistes.

Le projet de constitution qui sera soumis à référendum le 1er juillet par le roi Mohammed VI fait de la langue amazighe une langue officielle au même titre que l'arabe, un évènement historique au Maghreb.

"C'est la première fois que le berbère (sera) considéré par la constitution d'un pays d'Afrique du nord comme langue officielle. C'est un énorme acquis", a déclaré à l'AFP Meriem Demnati, militante et chercheuse à l'Institut royal pour la culture amazighe (Ircam), mis en place par le souverain en 2001.

Selon le recensement de 2004, 8,4 millions de Marocains, sur un total de 31,5 millions, utilisent l'un des trois principaux parlers berbères. Ce chiffre est toutefois contesté par de nombreuses personnalités au sein de la communauté amazighe qui l'estiment "trop bas".

Pour beaucoup de commerçants d'origine amazighe vivant et travaillant dans des grandes villes comme Rabat et Casablanca, cette officialisation n'empêche pas le Maroc de rester un pays unifié où coexistent des populations différentes.

"C'est très bien. Il y a l'amazigh, il y a l'arabe, et nous sommes tous des frères", affirme Othmane, le propriétaire d'une épicerie dans le centre de Rabat.

"C'est bien que ce soit une langue officielle comme l'arabe, car les Amazighs étaient les premiers habitants du pays", souligne pour sa part Touria Lakouismi, la cinquantaine, une femme au foyer.

Une loi organique qui devra être adoptée par le parlement marocain définira "le processus de mise en oeuvre du caractère officiel de cette langue, ainsi que les modalités de son intégration dans (...) la vie publique", stipule l'article 5 du projet de constitution, dont l'adoption est considérée comme probable.

La plupart des partis politiques ont appelé à voter oui, alors que trois partis de gauche et le mouvement de jeunes du 20 février prônent un boycott.

Cette loi organique "devrait donc organiser les modalités de l'utilisation de la langue berbère dans la vie administrative et pratique: enseignement, administration...", explique Mme Demnati.

Mais pour les militants amazighs, l'adoption de cette loi organique risque d'être retardée, notamment par les conservateurs du parti de l'Istiqlal, le parti du Premier ministre Abbas El Fassi, et par les islamistes du Parti Justice et Développement (PJD), favorables au renforcement de la langue arabe.

"Ils peuvent faire en sorte que les choses traînent le plus longtemps possible dans les couloirs et dans les commissions parlementaires", prévient Ahmed Assid, un chercheur et militant amazigh.

"De plus, ils peuvent modifier le contenu des manuels scolaires berbères que nous avions déjà établis à l'Ircam, en supprimant les valeurs universelles que nous y avions inclues et en les remplaçant par des référents religieux", poursuit-il.

Des responsables du PJD ont également critiqué le tifinagh, l'alphabet qui a été choisi officiellement en 2004 pour l'enseignement du berbère dans les écoles du royaume.

Cet alphabet "ressemble au chinois et il est ridicule que nos enfants l'utilisent pour apprendre le berbère", a ainsi récemment déclaré Abdelilah Benkirane, le secrétaire général du PJD, lors d'un meeting.

Comme la plupart des islamistes, M. Benkirane est favorable à ce que l'alphabet arabe soit adopté pour l'enseignement du berbère.

"Si on supprime cette graphie, on va écrire notre langue en graphie arabe, et ça veut dire qu'on va voir dans l'espace public uniquement la graphie arabe. Cela veut dire que finalement l'identité visuelle est arabe, et ça on ne peut pas l'accepter", conclut M. Assid.

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