Après des élections historiques, La Tunisie passe au vert 26.10.11

Publié le par printempsdespeuples44

Sans surprise et loin de se tromper, le parti tunisien Ennahda sortira vainqueur de ces élections avec une majorité écrasante où, jusqu'à hier en début de soirée, les résultats n'étaient pas encore dévoilés.

C'est un fait. Nul ne peut contester ce succès. Dans les milieux les plus populaires certes. Mais pas seulement. La classe moyenne, une partie de l'élite également, a été séduite par ce mouvement. Y compris les jeunes Tunisiens en quête d'identité. De quoi décourager plus d'un militant de gauche. L'une des raisons de ce succès, il faut le dire, réside dans le fait que l'on a, à coup sûr, diabolisé ce parti, ce qui lui a permis d'avoir plus de popularité. Le parti Ennahda a revendiqué dès lundi une position dominante sur le nouvel échiquier politique tunisien, annonçant un score entre 30 et 40% au sein de l'Assemblée constituante élue dimanche, neuf mois après le soulèvement populaire qui a provoqué «la fuite» de Ben Ali et lancé «le Printemps arabe». Surprise du CPR de Moncef Marzouki? Pour la majorité, oui, mais en analysant la campagne électorale, ce parti qui n'a pas trop déboursé d'argent lors de la campagne, a su renverser la vapeur par un discours diplomate et intelligent. Contrairement à tous les autres partis en course, visiblement, Moncef Marzouki, à chaque fois qu'il s'adresse à la population, l'invitait à voter non pas pour son parti mais pour celui qui correspond à ses idées et idéologies. C'est cela qui a donné cette popularité extraordinaire à ce parti en deux semaines avant les élections. «Raz-de-marée pour Ennahda», affirmait en Une mardi le quotidien arabophone Chourouk, tandis que le Maghreb indépendant (arabophone) titrait: «Ennahda sur les marches du pouvoir?», avec une photo récente du leader Rached Ghannouchi passant devant un garde présidentiel au garde-à-vous.
Côté population, on a fait parler quelques personnes qui se réclament démocrates et laïques. Les Tunisiens sont-ils contents? Comment réagissent-ils face aux prévisions donnant Ennahda comme parti gagnant? Ont-ils peur? Que pensent les femmes tunisiennes? Les avis sont pourtant mitigés. «Je ne suis pas du tout content de ce qui se passe. Ils ont acheté les voix des électeurs», affirme Lotfi, sympathisant du PDP. Les traits encore tirés par la fatigue cumulée au cours de la campagne, déçu, il est avant tout en colère contre les siens. «Ils se sont laissés acheter par les militants d'Ennahda qui ont distribué de l'argent. Je l'ai vu de mes propres yeux! Les Tunisiens n'ont rien compris. Ils ne comprennent que les discours de l'argent.»
«Oui, j'ai peur, dit-il, tant qu'ils ont commencé par la fraude». C'est pourtant tout le contraire pour Nadia, psychologue, la tête nue et habillée en femme moderne. «J'ai voté Ennahda même si je donne l'air d'une femme moderne. C'est un parti qui a milité depuis 40 ans et présente un programme politique et socio-économique convaincant. C'est la première fois qu'ils prennent leur chance après avoir été lésés sous Bourguiba et Ben Ali.» Asma, 21 ans, étudiante en physique, avoue en toute démocratie: «Je suis contente non pas parce que les résultats ne sont pas encore publiés, mais pour le grand nombre des votants. Pour moi, c'était logique que Ennahda allait gagner les élections pour ses principes logiques. Du coup, je n'ai pas peur tant qu'il y a le respect des libertés et que chacun est libre de la façon d'être.» Mêmes impressions de Maha, 23 ans et étudiante elle aussi: «Je suis contente du fait que c'est la première fois qu'on vote librement et aussi de la façon dont se sont déroulées les élections. Pour elle, qu'Ennahda gagne ne constitue pas un problème «"l'essentiel'' est qu'il donne un plus pour le pays. Il faut donc respecter le jeu démocratique. Mabrouk pour lui», a-t-elle renchéri. Bebia, cette cadre de 46 ans, est furieuse: Je ne suis pas contente mais je ne remets pas en cause un choix populaire. Toujours est-il qu'il y a eu une manipulation de la masse populaire. Le parti Ennhada a touché ce qu'il y a de plus sensible et sacré chez les Tunisiens.» Bebia a peur et estime que l'inquiétude est présente. «Je n'arrive pas à faire confiance à ces gens-là parce qu'ils veulent régner en usant de la religion qui est de l'ordre du personnel», a-t-elle déclaré tout en soulignant que «nous les femmes tunisiennes modernes, sommes révoltées et prêtes à ne rien céder de nos droits pour lesquels on luttera jusqu'au bout».

 

"Le gouvernement doit être composé le plus tôt possible, dans un délai qui n'excède pas un mois", a déclaré mercredi Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahda, donné vainqueur de l'élection de l'assemblée constituante en Tunisie. "Il est tout à fait naturel que le parti qui a obtenu la majorité dirige le gouvernement", a-t-il précisé sur la radio Express FM, alors que les résultats définitifs de l'élection n'ont pas encore été publiés. L'Isie, la commission électorale, n'a donné mercredi aucune indication sur la date de l'annonce finale.

  Les premiers chiffres livrés au compte goutte confirment cependant l'avance des islamistes, qui ont déjà annoncé au lendemain de l'élection qu'ils comptaient sur un score entre 30 et 40% dans la future assemblée constituante.

  "Nous sommes pour une grande alliance nationale qui aboutira à un gouvernement démocratique", a encore souligné M. Ghannouchi, souhaitant des discussions "avec tous ceux qui ont milité contre Ben Ali".

  Interrogé sur le prochain président de la République, M. Ghannouchi, qui a déjà déclaré qu'il ne serait pas candidat, a estimé que ce poste devrait être occupé par "une personnalité qui a milité contre la dictature".

C’est le numéro 2 d’Ennahda, Hamadi Jebali, qui est le candidat officiel du parti pour être le futur Premier ministre de Tunisie, a déclaré mercredi à l'AFP Nourredine Bhiri, membre de l'exécutif d'Ennahda. Agé de 62 ans, M. Jebali, qui est un des co-fondateurs d'Ennahda représente le visage modéré du parti.

Trois autres noms circulent dans les milieux politiques pour ce poste de président : Mustapha Ben Jaafar, chef du parti de gauche Ettakatol, qui a déjà fait savoir qu'il était candidat, Moncef Marzouki, leader du parti de gauche nationaliste Congrès pour la République (CPR), et Ahmed Mestiri, opposant historique de Bourguiba.

 

M. Ghannouchi a également insisté sur l'identité arabe de la Tunisie, "une affaire nationale qui concerne tout le monde, pas un seul parti". "Notre langue, c'est la langue arabe. On est devenu franco-arabe, c'est de la pollution linguistique", a-t-il déploré, alors que le parler dialectal tunisien mélange le français et l'arabe, le français étant encore largement pratiqué depuis l'indépendance en 1956 de l'ancien protectorat.

"Il faut un dialogue national sur l'éducation", a poursuivi M. Ghannouchi, dont le parti a déjà fait comprendre qu'il souhaitait diriger ce ministère dans le futur gouvernement.

 

Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahda a, de son côté, indiqué qu'Ennahda n'imposerait pas de restrictions vestimentaires aux touristes sur ses plages. "Le secteur du tourisme fait partie des réalisations auxquelles nous ne toucherons pas", a déclaré M. Jebali, cité par l'agence de presse officielle Tap. "Serait-il logique d'handicaper un secteur stratégique comme le tourisme en interdisant l'alcool ou le port de maillots de bain ? Il s'agit de libertés individuelles aussi bien pour les Tunisiens que pour les étrangers", a-t-il ajouté. Il a par ailleurs annoncé que sa formation, qui se réclame d'un islam modéré, n'imposerait pas de règles bancaires islamiques. "Nous ne rendrons pas les banques islamiques universelles. Nous n'allons pas abolir le système bancaire existant".

 

"Nous avons dit aux islamistes que nous sommes attachés à notre identité arabo-musulmane mais que nous refusons l'exploitation de la religion comme moyen de dictature", a répondu en écho Moncef Marzouki, leader du parti de gauche nationaliste Congrès pour la République (CPR), engagé dans des discussions avec Ennahda.

Le CPR pourrait arriver, selon les projections, deuxième dans l'assemblée constituante de 217 élus.

Les islamistes "ne sont pas le diable" et "il ne faut pas les prendre pour les talibans de la Tunisie", a néanmoins souligné M. Marzouki. "Les lignes rouges ce sont, encore une fois, les libertés publiques, les droits de l'homme, les droits de la femme, de l'enfant et sur ça on ne pactisera jamais, jamais", a-t-il martelé.

 

De son côté, la coalition de gauche du Pôle démocratique moderniste (PDM) a assuré qu'elle resterait "vigilante". "Le peuple n'a pas donné un chèque en blanc à Ennahda", a souligné Jouneidi Abdeljawad, un des responsables d'Ettajdid, principale force du PDM.

 

La Constituante élue dimanche par les Tunisiens, qui votaient pour la première fois depuis la chute de Ben Ali, devra prioritairement désigner un nouveau président de la République, qui lui-même formera un nouvel exécutif jusqu'aux prochaines élections générales.

 

 A Tunis, l'annonce des premiers résultats confirmant l'avance des islamistes a donné lieu à des manifestations de joie mardi soir. Mais la victoire annoncée d'Ennahda a aussi fait l'effet d'un choc dans les milieux intellectuels et laïques tunisiens.

 

Le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, a lui aussi réagi à cette victoire mercredi sur RTL en affirmant qu'il fallait faire "confiance à la très belle jeunesse tunisienne, qui d'après ce que je vois dans la presse, ne cesse de rappeler son attachement à la liberté, à l'égalité entre les hommes et les femmes". Il a appelé toutefois à être "vigilants". "Je crois qu'il faut que la France, dans la mesure où avec d'autres elle appuie les développements de ces pays, soit très attentive à ce qu'il n'y ait pas de dérives qui seraient condamnables au regard des droits de l'homme", a-t-il insisté.

 

L'autre choc du scrutin du 23 octobre est la percée inattendue d'une liste que personne n'avait vu venir "La Pétition populaire pour la justice et le développement", qui a déjà obtenu neuf sièges, selon les premiers décomptes. Elle est dirigée par Hechmi Haamdi, un richissime tunisien aux appartenances politiques ambigües, qui a fait campagne depuis Londres par le biais de sa télévision satellitaire Al Moustakilla, regardée en Tunisie.

 

A Tunis, les militants d'Ennahda fêtent le jour de la "renaissance"

 
Tunis- Ils affluent de Tunis et même au-delà, emplis de joie et de ferveur: les militants du grand parti islamiste laminé sous Ben Ali célèbrent enfin "le jour de la Renaissance" (Ennahda).

 

A Tunis, les militants d'Ennahda fêtent le jour de la "Renaissance"
"Cette liberté, cette victoire, c'est extraordinaire", dit Hedi, 44 ans, jeans et casquette du parti sur la tête. "Ma vie commence aujourd'hui", lance un homme d'une trentaine d'années, agitant un drapeau tunisien, Ils attendaient ce moment depuis dimanche, jour des premières élections libres de l'histoire de leur pays. Sûrs de la victoire, mais disciplinés, ils ont patienté jusqu'à l'annonce officielle des premiers résultats pour laisser éclater leur joie.

Ennahda est en tête, une clameur s'élève devant le QG du parti, dans le quartier moderne de Montplaisir, dans le centre de la capitale, Tout le monde s'embrasse, crie sa "fierté" et sa liberté. Certains pleurent, d'autres brandissent des drapeaux en scandant "on va continuer notre chemin".

"J'ai passé 11 ans en prison. J'étais étudiant, militant. Les policiers sont venus m'arrêter dans ma chambre sur le campus, après une manif", raconte Hedi, qui a été "torturé, humilié". "Aujourd'hui, j'oublie tout, même la torture", "Ce pays a besoin de liberté. Pour construire notre pays, il faut oublier", affirme-t-il.

Autour de lui, la foule se fait plus compacte et un silence recueilli laisse place au discours d'un cadre du parti, qui remercie les troupes, la Tunisie et, une fois encore, veut rassurer, Il est question de liberté, de dialogue politique et d'union nationale, en arabe, puis traduit en français et en anglais.

Asma, 20 ans, voilée, glisse: "on a placé tant d'espoir dans Ennahda. J'espère qu'ils seront à la hauteur. Tout ce que nous voulons, c'est la liberté, un avenir", A ses côtés, Doha, ingénieur de 25 ans, explique qu'il n'y a aucun risque: "Ennahda a réussi parce que le peuple sait qu'il est crédible, parce que ses militants sont des gens du peuple, comme nous".

"Nous nous battrons aussi pour vous. Pas question d'interdire l'alcool ou de renvoyer les femmes à la maison", ajoute une amie qui l'accompagne, Pour Saïda, mère de famille de 42 ans, la priorité maintenant, "c'est le chômage. On a des milliers de jeunes sans travail à qui il faut donner un avenir", La musique a pris le relais des discours, ils se sentent maintenant chez eux, "partout en Tunisie".

Ahmed Jamli, étudiant de 23 ans en jeans et baskets, arrive en courant. "Je suis venu dès que j'ai su pour l'annonce des résultats". Il est fier de la campagne menée tambour battant, a fait le tour des campus de la capitale pour "sensibiliser" les gens, Maintenant, il veut "faire de la politique". Pourquoi? "Parce que j'aime mon pays", "Et si demain Ennahda ne respecte pas ses promesses, on lui dit +dégage!+", promet Hedi.

 

L'ISIE examine les recours contre les dépassements de certaines listes candidates

 

TUNIS (TAP) - L'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) examine, actuellement, les recours concernant les dépassements commis par certaines listes candidates dont le financement illicite de la campagne, le non respect du silence électoral et l'utilisation de financements étrangers, a indiqué, mardi matin, M. Ridha Torkhani, membre de l'ISIE, dans une déclaration à l'agence TAP.

 

M. Torkhani a expliqué que l'article 70 du décret-loi électoral permet à l'ISIE de relever les dépassements, notamment la corruption et l'utilisation de financements étrangers.

"Le décret électoral est clair en ce qui concerne le financement étranger, mais il n'incrimine pas l'utilisation des médias étrangers pour la promotion des programmes électoraux, laissant à l'ISIE une marge de manoeuvre", a-t-il expliqué.

Il a déclaré que "toute violation par une liste candidate, qu'elle soit partisane ou indépendante, des dispositions du décret-loi électoral, est considérée comme étant un crime électoral pouvant faire l'objet de poursuites qui sont du ressort du ministère public."

Plusieurs avocats ont déposé une plainte contre Hachemi El Hamdi et plusieurs têtes de liste de la "Pétition populaire", auprès de l'ISIE, pour avoir violé les dispositions dudit décret-loi.

Dans une déclaration à l'agence TAP, Hachemi El Hamdi, président de la Pétition populaire a indiqué que les listes de la Pétition n'ont pas transgressé la loi puisqu'il est le seul à avoir été invité par la chaîne "Al Mustakella" au cours de la campagne, ce qui ne peut être considéré comme une infraction du moment qu'il n'est pas candidat à la constituante.

 

La Kasbah: Sit-in des blessés de la révolution contre le décret-loi sur l'indemnisation

 

 

TUNIS (TAP) - Des blessés de la révolution du 14 janvier ont organisé, mardi après-midi, un sit-in à la place de la Kasbah, en signe de protestation contre le contenu du décret-loi portant sur les indemnisations au profit des martyrs et des blessés de la révolution.

 

Les sit-inneurs ont barré la route au cortège du Premier ministre du Gouvernement transitoire, Béji Caïd Essebsi, ce qui a nécessité l'intervention des forces de sécurité.

Certains protestataires auraient, ainsi, subi des blessures légères.

Les protestataires considèrent que le décret-loi les concernant ne répond pas à leurs aspirations et n'est pas à la hauteur des sacrifices qu'ils ont consentis pour la révolution de la dignité et de la liberté, de même qu'il n'a pas apporté une suite favorable à leurs revendications sociales, matérielles et morales.

Certains d'entre eux sont même allés dire que les dispositions contenues dans le décret-loi constituent "une véritable insulte envers leur personne", affirmant qu'ils se sont lassés d'attendre.

Ce mouvement de protestation, ont-ils relevé, vise à faire entendre la voix des blessés à l'opinion publique et aux forces politiques qui seront présents au sein de l'Assemblée nationale constituante, et à les sensibiliser quant au caractère prioritaire de leur dossier.

La Conseil des ministres réuni le 20 octobre courant avait adopté le projet de décret-loi portant sur les indemnisations au profit des martyrs et des blessés de la révolution, après l'introduction de certains changements sur son contenu.

Publié dans Tunisie

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