Maroc : Référendum constitutionnel, L'heure du choix 01.07.11

Publié le par printempsdespeuples44

Pour un “oui” ou pour un “non”, ou encore pour un “boycott”, l'heure du choix a sonné. C'est en effet ce vendredi 1er juillet, que les Marocains, d'ici et d'ailleurs, sont appelés aux urnes pour s'exprimer sur le projet de nouvelle Constitution. Environ 40.000 bureaux de vote sont prévus à cet effet sur l'ensemble du territoire, et 520 à l'étranger. Quant au corps électoral, il est estimé à plus de 13 millions d'inscrits.

Deux semaines après le discours royal du 17 juin sur les grands axes du projet de la nouvelle Constitution, les citoyens sont invités à leur tour à  s’exprimer sur le nouveau texte, lors du référendum qui se déroule ce vendredi 1er juillet.

Si le Haut Commissariat au Plan (HCP) estime à 21 millions le nombre de Marocains en âge de voter en 2011, le nombre d’inscrits sur les listes électorales définitives arrêtées le 6 juin dernier, lui, se situe à 13.106.948 (treize millions cent six mille neuf cent quarante-huit). Parmi eux, 1.010. 000 (un million dix mille) nouveaux inscrits qui vont voter pour la première fois, et dont les deux tiers ont moins de 35 ans.

Les hommes représentent 54,8% du corps électoral contre 45,2%  de femmes.

Les préparatifs à l’intérieur…

Pour l’occasion, c’est environ 40.000 bureaux de vote qui ont été prévus sur l’ensemble du territoire national. La wilaya du grand Casablanca, à elle seule, compte 3.400 bureaux contre 900 installés à Rabat.

L’opération de vote, à l’intérieur comme à l’étranger, démarre à partir de 8h00 pour se terminer à 19h00, sans possibilité de prorogation.

Les électeurs qui n’ont pas encore retiré leur carte d’électeur peuvent le faire ce vendredi même, jour du scrutin, dans le bureau de vote proche de leur domicile, à condition d'être munis de leur carte d’identité nationale.

… Et à l’extérieur

À l'étranger également, les autorités sont mobilisées, par le biais des représentations diplomatiques, pour permettre aux Marocains résidents à l'étranger (MRE) de voter dans les meilleures conditions.

Ce sont ainsi 520 bureaux de vote qui ont été aménagés à l'étranger, dont 149 en France, où vivent près de 40% de nos expatriés.

Même les MRE en transit vers le Maroc pour les vacances estivales peuvent voter. Des bureaux de vote ont en effet été installés dans les ports d'Algésiras et d'Almeria, en Espagne, et au niveau du port de Sète, en France, a annoncé récemment leur ministère de tutelle.

Et contrairement aux Marocains d'ici, nos compatriotes à l’étranger disposeront eux, de trois jours, soit jusqu’au 3 juillet, pour accomplir leur vote.

Les partisans à fond dans la mobilisation

Évidemment pour que la future Constitution soit adoptée, il faudra que le “oui” l'emporte, assorti d'un taux de participation honorable pour lui donner ainsi une légitimité populaire. Car, comme le rappelle le politologue Mohammed Darif, “Il ne faut pas oublier que c'est le premier référendum sous le règne du roi Mohammed VI. De plus il s'agit d'un référendum constituant. D'où l'importance de la participation en tant qu'enjeu”.

Pour les partisans du “oui”, l'heure est donc à la mobilisation à tout va. Dans les médias, dans les souks, à travers des affiches qui pullulent un peu partout dans les rues, et même... dans les mosquées où des imams ont invité les fidèles à participer.

“Le référendum? (...) C'est simple, c'est même très simple, je vais voter 'oui'. Nous allons donner l'exemple avec cette constitution à tout le monde arabe.”

Un vendeur ambulant.

Les partis politiques les plus représentatifs ont tous appelé à voter en faveur du nouveau texte constitutionnel.

“Il est évident que le projet apporte de nombreuses dispositions susceptibles de faire progresser les institutions constitutionnelles et c'est pour cette raison que nous disons oui”.

Mustapha Ramid, député du PJD.

Et comme les formations politiques ne semblent plus faire assez de recettes auprès des populations, des religieux ont été appelés en renfort.

Ainsi, à l'appel de la confrérie Boutchichiya et des associations, ce sont plus de 300.000 personnes selon l'agence officielle Maghreb Arabe Presse, qui avaient participé à la marche de dimanche dernier à Casablanca en soutien au nouveau projet de la Constitution.

“On n'est pas un parti politique, mais il y a une dynamique politique régionale et notre jeunesse veut l'accompagner pacifiquement pour soutenir le projet royal”, avait déclaré à cette occasion le porte-parole de cette zaouïa, Lahcen Sbaï Idrissi.

Les opposants aussi donnent de la voix

Pendant ce temps, d'autres citoyens appellent à boycotter le scrutin. Pour la plupart, ils espéraient une monarchie parlementaire, alors que certains parmi eux estiment tout simplement que “cela ne sert à rien”...

Pour rappel, dans un discours adressé à la nation le 17 juin dernier, le Roi Mohammed VI avait évoqué une “monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale".

En plus du “Mouvement du 20 février” à l'origine de la contestation dans la rue, et qui réclame une monarchie parlementaire, trois partis de gauche (PSU, PADS, CNI) ont également appelé à boycotter le référendum.

“Nous appelons au boycott du référendum. Le contenu de la réforme, même s'il garantit des droits civiques et politiques, n'a pas changé l'essence de la Constitution actuelle.”

Nizar Bennamate, un militant du “20 février”.

À la différence des trois formations citées, le “Mouvement du 20 février” n'a pas été autorisé à promouvoir le “boycott” sur les télévisions publiques. C'est donc sur la toile, à travers les réseaux sociaux, Facebook notamment, qu'il a fait sa “campagne”.

“Le vendredi? J'aurai d'autres chats à fouetter. Je ne vais pas me rendre aux urnes parce que ce projet de constitution est une régression grave.”

Le “Mouvement du 20 février” dans une vidéo.

Le Mouvement a aussi annoncé qu'il allait appeler ses antennes locales à dispatcher les militants, le jour du scrutin, sur les bureaux de vote “surtout dans les zones rurales, pour filmer les transports groupés des votants et montrer que l'État facilite la participation”.

À noter, par ailleurs, qu'exceptionnellement, des isoloirs seront installés dans les casernes et autres postes de police, pour permettre aux Forces armées royales et aux éléments des forces de l'ordre (gendarmerie royale, sûreté nationale et forces auxiliaires) de voter (ils ne participent pas aux autres consultations électorales, les législatives notamment).

Les procédures prévues

Chaque bureau de vote est supervisé par un président assisté par trois membres et trois autres adjoints. Et dès que celui-ci annonce la fin du vote, il est procédé au décompte du nombre de votants à partir des listes de signature. Une fois cette opération de dépouillement terminée, un procès-verbal du bureau doit être rédigé en deux exemplaires, conformément aux dispositions du code électoral. Ce PV est immédiatement adressé au bureau central accompagné des enveloppes contenant les bulletins annulés, ceux objet de contentieux et les enveloppes illégales. Les procès-verbaux des bureaux de vote ainsi que les listes de signatures sont mis quatre jours durant à la disposition des votants au siège de la commune urbaine ou rurale, pour exprimer leurs réclamations.

Repères historiques

Pour rappel, il s'agit de la 27e consultation populaire organisée par le Maroc post-indépendance dont 9 référendums. C'est le premier référendum sous le règne du roi Mohammed VI.

Des chiffres

En prévision de ce référendum, les médias audiovisuels publics et privés ont diffusé 1.392 programmes, soit 120 heures et demie, réparties entre les journaux, les magazines et les émissions spéciales. C'est la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) qui l'a indiqué mercredi, lors de la présentation du rapport sur le respect de la pluralité de l'expression des différents courants de pensée et d'opinion durant la campagne référendaire. Ce rapport, basé sur un suivi effectué par cette autorité du 17 au 25 juin, montre que les radios privées ont enregistré 38,5% du volume horaire total des interventions, alors que les cinq télévisions et les trois radios publiques ont enregistré, respectivement, 35% et 26,5%.

Bassirou BA

« Ce référendum est illégal et illégitime »

Le blogueur Najib Chaouki, qui appelle au boycott du scrutin, dénonce une campagne électorale « sans aucune transparence » et la répression contre les jeunes du mouvement du 20 février.
Pourquoi avez-vous appelé au boycott du référendum de ce vendredi ?

- Tout d’abord nous combattons cette réforme : nous estimons qu’elle n’apporte rien. Et nous avons appelé au boycott de ce référendum car nous avons constaté que des agents d’autorités et le ministre de l’Intérieur n’ont pas respecté les normes d’un référendum en utilisant les moyens publics pour faire voter oui à ce scrutin. Ils ont utilisé les mosquées, les lieux publics, les écoles et ont organisé une répression contre les jeunes du mouvement du 20 février qui appellent au boycott.

Hier à Rabat par exemple ils ont réprimé les jeunes du mouvement du 20 février. Ils ont attaqué et trois personnes ont été blessées. Ils ont attaqué dans l’hôpital de Rabat et les forces de police ont fermé les yeux.

C’est également un référendum illégal et illégitime car il n’y a que l’Etat et les partis qui le soutiennent qui ont pu s’exprimer. L’autre opinion a été éliminée de l’espace public et du débat. Il n’y a que le oui qui existe aujourd’hui.

Certains opposants appellent plutôt à voter non qu’à s’abstenir car, en défendant le boycott, disent-ils, vous favorisez le succès du oui. Qu’en pensez-vous ?

- On ne peut pas voter non car il n’y a eu aucune garantie de transparence de la campagne électorale. Le ministre de l’Intérieur a un passé noir au niveau de l’organisation des campagnes électorales et il vient de gérer cette campagne.

Nous pouvons toujours appeler à voter non, il y a une autorité pour tout fabriquer : il y a une autorité pour fabriquer les listes électorales, il y a une autorité pour fabriquer la campagne et une pour fabriquer les résultats.

On ne refuse pas toute institution, mais nous voulons des institutions qui respectent la loi. Le pouvoir marocain ne respecte même pas la Constitution de 1996. Il n’a même pas respecté la loi d’organisation de la campagne, alors comment va-t-il respecter le résultat ? Il n’y a aucune crédibilité car aucune condition ne respecte la démocratie.

Vous comptez poursuivre le mouvement ?

- Le mouvement a déjà appelé à manifester dimanche prochain. Nous trouvons que la Constitution n’est pas la fin du mouvement. Il faut comprendre que la pratique est différente des textes : le roi et l’entourage royal ne respectent jamais la Constitution de 1996. C’est pour cela que nous demandons une réforme politique totale, économique et aussi au niveau des libertés.

Nous allons donc continuer de manifester pour réclamer à l’Etat de virer les corrompus, demander une Constitution démocratique contrairement à la réforme proposée ce vendredi. On ne peut pas aujourd’hui contrôler le roi. Donc, on n’est pas dans un Etat démocratique. L’Etat n’a pas réagit à nos revendications, n’a pas proposé d’agenda sérieux. Il n’y a que des pages pour diluer le débat et donner une fausse image vis-à-vis de l’étranger.

Interview de Najib Chaouki, blogueur marocain et militant des droits de l’homme, par Céline Lussato – Le Nouvel Observateur

Publié dans Maroc

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