Tunisie : la parité, une avancée “historique” qui fait débat

Publié le par printempsdespeuples44

 

Tunisie Sidi BouzidAujourd’hui, lundi 11 avril 2011, la Tunisie connaît un moment historique, un moment qui sera gravé dans la mémoire de toute Tunisienne et de tout Tunisien”, salue le blogueur Mohamed Madkhour. Les membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, présidée par Yadh Ben Achour, viennent d’adopter le principe de la parité hommes-femmes pour les élections de l’Assemblée constituante le 24 juillet. “Une initiative portée par les partis politiques démocrates, la société civile, les femmes et hommes indépendants et qui a été approuvée démocratiquement”, se félicite-t-il.

Au terme d’intenses débats entre les différentes parties, l’amendement à l’article 16 du décret-loi relatif à l’élection de la Constituante a été adopté à une majorité écrasante, sous les applaudissements des membres de la commission, y compris les représentants du mouvement islamiste Ennahda. Selon le principe retenu, la présentation des candidatures devra tenir compte de la parité entre hommes et femmes, avant un classement des candidats dans les listes sur la base du principe de l’alternance. Les listes ne respectant pas cette règle seront annulées.

La Tunisie est aujourd’hui à l’avant-garde en ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique”, a applaudi la Fédération internationale des droits de l'homme. “Nous avons remporté une grande victoire. C’est une grande première dans le monde arabe et même ailleurs. Les femmes ont participé à la révolution, sur le même pied d’égalité, elles participeront désormais à forger l’avenir politique de la Tunisie”, a déclaré Sophie Bessis, secrétaire générale adjointe de la FIDH.

Tunisie, femmes de l'ATFD

C’est également une victoire pour le Groupe d’appui à la parité, coordonné par Faïza Zouaoui Skrandani, éditrice et militante féministe tunisienne, qui a publié le lundi 28 mars sur sa page Facebook son manifeste. “La société tunisienne est composée de plus de 50 % de personnes du sexe féminin. Elles sont aujourd’hui majoritaires dans plusieurs instances : magistrature, enseignement supérieur, secondaire, primaire, médecine,… Bien qu’électrices et éligibles depuis 1957 (plus de cinquante-quatre ans), nous constatons un paradoxe flagrant entre les potentialités féminines réelles et leur représentation dans les instances de prises de décision, politiques, sociales, économiques et culturelles. Le pourcentage de représentation atteint péniblement les 10 %”, plaide le manifeste.

Au stade de l’évolution de notre société au jour d’aujourd’hui, si la séparation des pouvoirs est la base de la démocratie, la parité en est une condition. La Révolution tunisienne du 14 janvier à laquelle les Tunisiennes et les Tunisiens ont participé et dont ils ont été ensemble les actrices et les acteurs sans distinction d’âge ni de genre  requiert pour l’avenir de notre pays une réelle et effective reconnaissance, sans restriction aucune, une vision globale paritaire pour la transition et la construction du processus démocratique, sans aucune discrimination”, poursuit-il.

L’enjeu pour le Groupe d’appui à la parité, tel que l’explique Mme Skrandani dans un entretien avec le webzine Webmanagercenter, est “tout simplement [de mettre] la parité dans le code électoral. C’est elle la garantie d’élections démocratiques et en même temps un garant de la sauvegarde des acquis de la révolution”. Un principe qui, ajoute-t-elle, a également été appuyé par Rached Ghannouchi, le leader du parti islamiste Ennahda, dans ses interviews. Pourtant, la mise en œuvre de la parité dans le code électoral ne remporte pas l’adhésion de tous en Tunisie :

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Commentaires publiés sur la page Facebook du manifeste du Groupe d’appui à la démocratie paritaire.

Comme dans de nombreux pays où la question de la parité a été soulevée, le principe a de nombreux détracteurs, femmes et hommes inclus, religieux comme laïcs. Sur sa page Facebook le groupe des Tunisiens irreligieux ouvre le débat  : “pensez-vous que c’est une bonne idée pour accabler l’extrémisme religieux prônant la discrimination sexuelle ou que c’est une mauvaise loi parce qu’elle donne lieu à un autre genre d’extrémisme : l’extrémisme féministe qui privilégie l’égalité ‘aveugle’ plutôt que les compétences ?” Les avis sont partagés :

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Yassine Ayari, auteur du blog Mel 7it, liste ainsi cinq limites d’un principe qu’il considère comme “une grande mascarade”. La première, selon lui, est que l’échéance des élections est trop proche pour changer les mentalités dans certaines régions tunisiennes où la femme n’a pas pour tradition de faire de la politique. La question de la compatibilité avec la réalité de la femme tunisienne, en particulier dans les régions, a également été évoquée lors de la discussion de l’article 16, avait confié aux médias Mme Lakhdar, vice-présidente de la commission.

Deuxièmement, estime Yassine Ayari, ce principe ne garantira pas que l’Assemblée constituante sera composée à 50 % de femmes. Troisièmement, il y voit une discrimination faite au détriment de la compétence. Quatrièmement, si on instaure la parité, alors pourquoi pas des quotas pour d’autres segments de la population ?, interroge-t-il. Et cinquièmement, pour lui, la commission n’a pas été choisie de façon démocratique. Des arguments que l’on retrouve dans certains commentaires postés par les auditeurs de la radio Mosaïque FM sur sa page internet.

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(illustration : Sidi Bouzid, 10 janvier 2011, crédit : Fethi Belaid/AFP ; réunion de l’Association tunisienne des femmes démocrates à Tunis, le 13 mars 2011, crédit : Fethi Belaid/AFP).

Publié dans Tunisie

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