Syrie, la levée de l’état d’urgence n’est pas gage de liberté 20 avril 2011

Publié le par printempsdespeuples44

 

Banias, 19 avril 2011Trop peu, trop tard”, estime Ammar Abdoulhamid, auteur du blog Syrian Revolution Digest après l’annonce de l’abrogation prochaine des lois d’urgence de 1963 (texte de loi en anglais et en arabe). Promise fin mars par la conseillère politique du président Bachar Al-Assad, la levée de l’état d’urgence a été confirmée mardi 19 avril avec l’adoption en conseil des ministres de trois décrets sur la levée de la loi d’urgence, l’abolition de la Cour de sûreté de l’Etat et la réglementation des manifestations pacifiques. Ces décrets pourraient être promulgués dans les prochains jours par le président Assad.

Principale revendication du mouvement contestataire en Syrie, cette mesure n’a semble-t-il pas eu l’effet escompté. La mobilisation s’est poursuivie, le soir-même, dans plusieurs villes du pays. Sur la Toile, l’enthousiasme n’est pas non plus de mise. La mort de huit personnes, dans une manifestation réprimée le matin même par les forces de sécurité à Homs, a complètement oblitéré cette annonce.

Syrie urgence facebook

Sur la page Facebook du groupe The Syrian revolution 2011 :J’ai du mal à me représenter un régime qui tue le matin et lève l’état d’urgence le soir”.

La levée de l’état d’urgence pourrait pourtant avoir de nombreuses implications pour le peuple syrien, comme s’en réjouit la blogueuse Maysaloon. “Cela pourrait être une opportunité ou donner un paravent légal à la mise en place d’un changement graduel, explique-t-elle. Il deviendra beaucoup plus difficile pour les services de sécurité et les responsables gouvernementaux d’imposer aux citoyens des lois discriminatoires et arbitaires. Les juges hésiteront davantage à rendre des verdicts arbitraires (…). Au Parlement, les membres de l’Assemblée vont être plus confiants pour défier et questionner les politiques du gouvernement et les lois existantes. Il va devenir plus difficile d’emprisonner ou de faire taire de tels individus (…). Pour les individus dans la rue, le droit de se rassembler, de manifester et de professer leurs points de vue ou de créer leurs propres partis politiques va créer une nouvelle réalité dans les rues de Syrie. En fait, la levée de l’état d’urgence pourrait marquer le début de la fin de la corruption institutionnalisée (…)”.

Les relations de confiance entre le régime du président Assad et les partisans de réformes seraient-elle donc rompues ? C’est ce que pense un contributeur du blog HarKaSha.com : “Je ne pense pas qu’une personne raisonnable puisse rejeter une véritable réforme effectuée par le régime, même des gens qui manifestent sous une pluie de balles (…). Il est clair qu’il y a une crise de confiance profonde entre eux et entre la société en général et le régime. (…) Il est clair que les choses ne peuvent continuer ainsi ou telles qu’elles étaient jusqu’à hier (…).”

Or, le discours tenu par le président Assad lors de l’annonce de ces réformes n’a pas aidé à dissiper les doutes sur ses véritables intentions. “Il n’y aura désormais plus besoin d’organiser des manifestations en Syrie, a-t-il estimé. Ce qui sera immédiatement requis des organes concernés, en particulier du ministre de l’intérieur, est l’application stricte et rigoureuse des lois et qu’aucun acte de sabotage ne soit toléré. Avec ces lois, nous établissons une différence entre réforme et actes de sabotage ; et il existe des différences claires entre les demandes de réforme et la volonté de créer le chaos et des actes de sabotage.”

Facebook The Syrian revolution 2011

Sur la page Facebook du groupe The Syrian Revolution 2011 : “C’est une manœuvre du régime syrien et un canular. Le régime continuera à réprimer et à tuer, que ce soit avec ou sans l’état d’urgence. Et actuellement, il est trop tard pour prendre une telle mesure, désormais le peuple veut la chute du régime“.

La seule interprétation que je peux faire de [ce discours], à la lumière des déclarations sur l’insurrection à Homs et les bandes armées soutenues par les salafistes, est que le régime a l’intention de discréditer toutes nouvelles manifestations en les qualifiant d’actes de sabotage, mettant en danger la sécurité des citoyens syriens, de tentatives de semer le chaos et d’actes démagogiques”, commente ainsi Leif Eriksson, ancien employé du Haut comité aux réfugiés des Nations unies à Damas, sur son blog Other Suns.

Nombreux sont ceux sur la Toile qui craignent d’ores et déjà la mise en place d’un système de répression identique sous couvert de lois anti-terroristes. Selon l’agence de presse gouvernementale SANA un comité établi par le président syrien pour examiner une refonte de la loi d’urgence a été chargé le 31 mars de préparer une nouvelle législation anti-terroriste pour la remplacer. Il lui a été donné jusqu’au 25 avril pour préparer “une législation comprenant la protection de la sécurité nationale et de la dignité des citoyens, ainsi que la lutte contre le terrorisme”.

A cet effet, le groupe The Syrian Revolution 2011 se demande sur sa page Facebook : “Sera-t-il possible, après la levée de l’état ​​de d’urgence et la suppression des tribunaux de sûreté, que le ministère de l’intérieur décide d’interdire la manifestation, sous prétexte du maintien de la sécurité du citoyen ?”  

Facebook urgence

Sur la page Facebook du groupe The Syrian Revolution 2011 : “Il revient au peuple syrien de toutes affiliations de rejeter toute tentative par le régime baasiste de contourner l’état d’urgence en donnant un autre nom à quelque chose qui serait substantiellement identique. Nous voulons une loi anti-corruption et non une loi anti-terroriste (…)”

De nombreux internautes, sympathisants du mouvement de contestation, continuent ainsi à penser que seule la chute du régime Assad pourra donner lieu à un changement réel. A l’instar du blogueur Ammar Abdoulhamid, opposant politique exilé depuis 2005 :

Après tout, le réel problème n’est pas dans la loi, mais dans les personnes qui composent la junte au pouvoir, comprenant Bachar et sa famille, les chefs de l’appareil sécuritaire, ainsi que leurs clients et ceux qui dépendent d’eux dans le parti Baas, les autres mouvements politiques loyalistes et la société en général. Aussi longtemps que ces gens continueront à prendre les décisions, et aussi longtemps que l’existence de médias libres sera une chimère et que les systèmes judiciaire et législatif ne jouiront pas d’une totale indépendance, rien ne changera jamais en Syrie. (…) Le système est simplement pourri jusqu’à la moelle”.

 

Publié dans Syrie

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