Maroc : Entretien avec Wardi Mohammed du Mouvement du 20 Février à la veille des élections législatives 24.11.11

Publié le par printempsdespeuples44

Le Mouvement du 20 février a dénoncé mercredi le boycottage de ses activités par les médias publics et expliqué les raisons de son appel à ne pas participer aux législatives de vendredi. 

« Nous dénonçons le boycott systématique de nos activités et de nos points de vue par les médias publics qui sont pourtant financés par le contribuable marocain », ont déclaré des militants du Mouvement au cours d’une conférence de presse à Rabat.

Le Mouvement du 20 février a organisé dimanche dernier des marches dans plusieurs villes du Maroc pour appeler au boycottage des législatives de vendredi.

« Nous réitérons notre appel au boycott de ces élections parce qu’elles visent à légitimer un régime non démocratique, résultat d’une constitution qui ne consacre même pas le principe de séparation des pouvoirs », ont-ils précisé.

Les appels au boycottage des élections pour l’élection, vendredi, de 395 députés à la première chambre du parlement, ne sont pas relayés par les médias publics durant la campagne électorale, selon une décision de la Haute autorité de la communication et de l’audiovisuel (HACA, officielle).

« Les symboles des années noires de lhistoire du Maroc continuent doccuper des postes de haute responsabilité, et la corruption et les méthodes mafieuses rongent tout le pays », selon les militants.

 

Rabat.- L’organisation américaine de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch (HRW), vient d’exiger des autorités marocaines qu’elles cessent de harceler les activistes qui appellent au boycott des élections législatives du 25 novembre prochain.

HRW a comptabilisé depuis le 20 octobre plus de 100 citoyens marocains convoqués par la police « pour les interroger » sur la distribution de dépliants appelant au boycott. L’ONG américaine donne une liste exhaustive du lieu de résidence de ces militants : Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Taza, Beni Mellal, Benguerir, Taounate, Larache, Benslimane, Guercif , Settat, Kelaât Sraghna, Khemisset, Meknès, Biougra, Midelt, Khénifra, et même dans des villages de ce royaume heureux.

Des activistes pro-boycott ont déclaré à HRW qu’ils avaient été interrogés pendant plusieurs heures et certains ont affirmé avoir été photographiés, comme s’ils avaient commis un délit.

«Le droit de choisir librement (…)  inclut le droit de ne pas voter, et d’exhorter les autres à faire de même« , a déclaré Sarah Leah Whitson, responsable du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au sein de Human Rights Watch. «Harceler les gens qui soutiennent un boycott est tout aussi mauvais que de harceler ceux qui soutiennent un parti ou un candidat, et jette une ombre sur le vote. »

HRW dénonce la confiscation par la police de tracts prônant le boycott, ainsi que l’interdiction faite à une imprimerie d’imprimer des tracts du Parti de l’avant garde démocratique et socialiste (PADS).

Bien entendu comme dans toute bonne dictature qui se respecte, les personnes convoquées l’ont été oralement. Cette fois-ci, pas de petits papiers de la police en couleur qui sont autant de preuves. « Le chef veut te parler« , lance le policier chargé de cueillir l’activiste pour l’amener au commissariat, selon l’organisation américaine. Comme si on était dans un film de gangsters des années 30.

On ne comprend vraiment pas le pourquoi de ces harcèlements. Si comme l’a dit le souverain dans son dernier discours le Maroc est entré dans une nouvelle « ère constitutionnelle« , et si le peuple est vraiment d’accord avec ces réformes octroyées, comme l’affirme à longueur de journées la presse aux ordres, de quoi le Palais royal a-t-il peur ?

Thami Afailal


Entretien avec Wardi Mohammed du Mouvement du 20 Février

 

L'Expression: Pourquoi l'Union nationale des étudiants du Maroc, partie prenante du Mouvement du 20 février, boycotte-t-elle les élections législatives du 25 novembre?
Wardi Mohammed: L'Union nationale des étudiants du Maroc a, en effet, décidé, de boycotter les élections législatives qui se tiendront le 25 novembre, pour plusieurs raisons. Ces raisons ont été expliquées largement et adressées au public. Les motifs du boycott prononcé sont liés, entre autres, au contexte global dans lequel les élections seront organisées, mais aussi aux conditions réglementaires dans lesquelles ces dernières seront organisées.
Globalement, ces élections législatives sont organisées par le régime marocain en réponse anticipée à la dynamique politique provoquée par le Printemps arabe. Donc, il y a évidement une forte corrélation entre le Printemps arabe et les présentes élections, mais aussi avec le référendum sur la Constitution organisé en juillet dernier. A ce sujet, il est à rappeler que la dynamique politique, qui a marqué le Maroc ces derniers mois, a bel et bien commencé depuis le 20 février dernier.
Depuis cette date, le 20 février a investi la scène politique marocaine. En effet, plusieurs rassemblements et manifestations ont été structurés et organisés par le Mouvement qui n'avait pas cessé d'appeler et de dénoncer la corruption et la tyrannie, qui sont érigées en mode de gestion au Maroc. La corruption gangrène le pays à tous les niveaux de gestion. Chaque semaine des rassemblements et des manifestations ont été observés dans 50 villes du Maroc.

Quelles sont les revendications principales du Mouvement du 20 février?
Les revendications principales du Mouvement ont un seul et unique objectif: éradiquer la corruption et mettre fin à la tyrannie. Néanmoins, force est de constater que le Makhzen n'a pas répondu à cette dynamique des populations frustrées menées par le Mouvement du 20 février. Pis encore, je dirais qu'il y a un sérieux déphasage entre les tenants du Royaume et le peuple. Cependant, le référendum organisé sur la Constitution et les élections législatives qui se dérouleront le 25 du mois en cours ne répondent pas aux aspirations du peuple autant qu'elles répondent au maintien de la tyrannie. S'ajoutant à cela, ces élections législatives vont se dérouler dans un contexte national des plus pollués. Les protestations, que j'ai citées sont encore là pour en témoigner. Elles sont souvent neutralisées par les pouvoirs publics. On compte aujourd'hui neuf martyrs et des dizaines de détenus, sans parler de plusieurs centaines de blessés. Cette situation soulève donc un ensemble de points d'interrogation au sujet de la démocratie promise. Voilà dans quelles conditions le peuple marocain est appelé à voter. Pour nous, ces élections représentent une véritable comédie.

Des voix se font entendre d'ores et déjà quant aux craintes de voir ces élections entachées de fraude. Qu'en pensez-vous?
Le bourrage des urnes au Maroc est devenu une règle. Cette pratique est assurée par le ministère de l'Intérieur. Et à propos, il faut dire que c'est la raison la plus importante, poussant certaines parties politiques à manifester leur boycott, car elles savent qu'il y a absence de transparence dans le vote. Les amendements apportés à la Constitutions confèrent toujours au roi le pouvoir absolu. Cela dit, le gouvernement et le Parlement sont deux institutions assujetties, appelées à exécuter ce que le roi leur dicte, mais pas les programmes électoraux qu'elles ont défendus auprès du peuple.
Ainsi, tout ce qui peut découler de ces élections ne représente que la montée d'un groupe de corrompus et de corruptibles, ayant investi de l'argent pour accéder à des postes de gestion. Pour ce qui est des amendements opérés sur la Constitution, ces derniers représentent une constitutionnalisation de la corruption et du maintien de l'absolutisme. Car, une Constitution aux traits démocratiques découle d'une Assemblée constituante où les responsabilités des uns et des autres sont arrêtées et clarifiées.

Quel serait selon vous le taux de participation lors de ces élections législatives?
Lors du référendum constitutionnel organisé en juillet dernier, le taux de participation annoncé a laissé les populations bouche bée. Elles n'ont pas compris comment un tel résultat (70%) a été réalisé. Puis, il faut savoir que voter au Maroc est un événement rare. Puis, aujourd'hui, l'Union nationale des étudiants, qui a servi, jadis, d'instrument de propagande lors des campagnes électorales, appelle au boycott. Elle est partie prenante. Bien au contraire, l'Union mène une forte campagne contre ces élections législatives, qualifiées de «comédie électorale». Cela en plus de la campagne contre le vote lors de ce rendez-vous électoral menée par des organisations de la société civile et politique. Logiquement, il faut dire que le taux de participation sera très faible. Mais, comme je l'ai dit, le Makhzen fonctionne par le bourrage des urnes. Donc: voter ou non, le résultat sera bien applaudi.

Les islamistes montent en force dans le Monde arabe. Ils sont considérés comme favoris pour le scrutin de demain, cela est-il possible au Maroc?
Il y a des différences entre le Maroc et les organisations islamiques participant aux élections ailleurs dans le Monde arabe. Au Maroc, les islamistes sont forgés selon la volonté du Royaume. Donc, la situation des islamistes du Maroc n'est pas comparable à celle des autres pays du Maghreb ou du Machrek. Au Maroc, les islamistes sont domestiqués et intégrés dans les rouages de la gestion. Autrement dit, dans le circuit de la corruption. Ils ont su travailler et s'accommoder avec la tyrannie et gagner la place en première loge et vivent aux frais de la princesse. Les islamistes au Maroc prêtent leur soutien au Makhzen. Cela dit, les islamistes marocains jouent, depuis plusieurs années, avec le Palais en se présentant comme une force constructive et docile.

 

Publié dans Maroc

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